Une tribune de Philippe Billet, Directeur Général Ascom France et Iberia
Bips, pleurs, portes, éclats de voix, roulement des charriots… Les hôpitaux sont des lieux de plus en plus bruyants. Alors que l’OMS recommande de ne pas dépasser les 35dB depuis 2000, le niveau sonore moyen diurne est passé de 57 dans les années 60 jusqu'à plus de 70 dB ces dernières années ! Des études ont montré que le bruit nuit au sommeil des patients, mais aussi à la qualité des soins apportés. Autrement dit, plus il y a de bruit plus le personnel soignant risque de faire des erreurs.
Bruits : tirer la sonnette d’alarme !
Et parmi ces bruits, l’alarme fait clairement partie des nuisances sonores les plus fréquentes. Chaque patient entend en moyenne 135 alarmes par jour, soit une toutes les onze minutes, révélait en 2016 l’Acoustical Society of America. Une autre étude menée en 2019 auprès de patients subissant une intervention médicale a enregistré une moyenne de 359 alarmes au cours de chaque procédure, soit plus d’une alarme par minute !
Et ces alarmes proviennent de nombreuses sources : elles peuvent concerner les données vitales d’un patient (pousse-seringue, monitoring cardiaque…) mais aussi des événements moins critiques comme apporter de l’eau dans une chambre ou répondre à une alarme technique. Si bien que le soignant est soumis à un grand nombre d’informations dans la journée, parfois pour des interventions immédiates, parfois nécessitant une simple attention. Bref, une avalanche d’alarmes qui produisent un environnement bruyant et fatiguant, impactant la prise en charge et le suivi des patients.
Ce phénomène « d’alarme fatigue » se traduit notamment par l’augmentation du temps de réaction chez les professionnels de santé. En effet, un niveau sonore excessif peut empêcher les alarmes d’être prises en compte par les bons destinataires ou amener les soignants à ne plus prendre en compte les alertes. Cette fatigue liée aux alarmes peut porter préjudice à la qualité des soins et au diagnostic. Un bruit qui fatigue les soignants et aussi naturellement les patients (avec des conséquences connues, stress, augmentation de la tension artérielle, troubles du sommeil…), ce qui peut avoir comme conséquence d’allonger la durée de leur hospitalisation. Une autre étude de 2019, celle de L’International Journal of Environmental Research and Public Health montrait que le bruit était d’ailleurs la première source de perturbation du sommeil évoquée par des patients âgées aux urgences.
Diminuer le bruit pour améliorer la qualité des soins
Pourtant, les dispositifs médicaux font partie intégrante de la prise en charge des patients, garantissant une surveillance des paramètres vitaux. Et pour améliorer la prise en charge des patients, ces équipements sont de plus en plus nombreux (et donc les alarmes également) : par exemple, selon Max-André Doppia, ancien président d’Avenir Hospitalier, le nombre de pousse-seringues en réanimation est passé de quasiment zéro à sept unités par patient en quinze ans.
Des initiatives sont en train de se déployer pour diminuer le bruit. Par exemple, le plan Ma Santé 2022 du gouvernement pousse à l’intégration des nouvelles technologies dans les établissements de santé pour améliorer les conditions de travail du personnel soignant et la prise en charge des patients. Car les nuisances liées aux bruits trouvent bien souvent leur origine dans des flux de communication qui peuvent être optimisés. L’introduction dans les hôpitaux de briques technologiques, qu’elles soient logicielles ou en lien avec la téléphonie, va permettre de mieux diriger l’information et donc de mieux répartir les missions entre les différents personnels, tout en garantissant un traitement de l’événement et sa traçabilité. Sans oublier la partie phonie qui permet de rentrer en interaction avec le patient qui se trouve dans la chambre, sans se déplacer.
En envoyant les signaux à la bonne personne plutôt qu'à l'ensemble du personnel, on peut fortement réduire le nombre de signaux entendus dans les couloirs et les décibels. Résultat, les soignants ne perdent plus de temps à trier les alarmes, ils sont moins stressés et les patients dorment mieux. En outre, le suivi des tâches assignées permet une meilleure organisation des équipes. Car le premier défi que les nouvelles technologies doivent aider à relever est bien organisationnel : depuis la mise en place des 35h et avec la baisse des effectifs, il faut gagner en efficacité. Et si nous voulons que nos soignants continuent d’exercer leur vocation, nous devons leurs donner les moyens de le faire. Et il y a des raisons d’être optimistes : dès 2021, les ARS vont répartir entre les établissements de santé 650 millions d’euros destinés à financer leurs investissements courants.